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C’est devant une salle Gaveau entièrement acquise à sa cause que Christina Pluhar et son ensemble baroque, l’Arpeggiata, se sont installés devant l’élégant buffet d’orgue en bois ajouré qui orne la célèbre salle parisienne, laquelle vient de tomber dans l’escarcelle du producteur Jean-Marc Dumontet, qui en a racheté la marque et le fonds de commerce pour 8 millions d’euros.
Le public a-t-il conscience que ce bâtiment historique de 1 000 places (classé depuis 1992), dévolu à la musique classique depuis sa création en 1907 et réputé pour son acoustique, devra bientôt partager l’espace avec des « concerts acoustiques de têtes d’affiche, des seuls-en-scène et de l’humour », ainsi que le stipulait dans Le Figaro du 24 octobre le quinquagénaire, directeur des Molières, déjà multipropriétaire de cinq salles parisiennes (Bobino, le Théâtre Antoine, le Théâtre Libre, Le Grand Point Virgule et Le Point Virgule) ?
Tête d’affiche, seul-en-scène (ou pas), humour (et tragédie) caractérisent précisément le parcours de l’Arpeggiata, dont témoigne la soirée consacrée ce 28 octobre aux Wonder Women, titre de l’album paru en mai dernier chez Erato/Warner Classics. Un hommage aux compositrices italiennes du XVIIe siècle (Barbara Strozzi et Francesca Caccini sont les plus connues) ainsi qu’aux femmes de caractère, héroïnes, saintes, sorcières, figures surnaturelles et simples mortelles, au carrefour des musiques traditionnelles d’Italie et d’Amérique latine (Mexique).
Grande prêtresse aux cheveux roux vêtue d’une longue toge, Christina Pluhar s’est installée avec son théorbe (sorte de luth) à la droite du clavecin de Marie van Rhijn (également organiste), que complètent en demi-cercle le théorbiste Miguel Rincon (également guitariste), le percussionniste David Mayoral, le contrebassiste Leonardo Teruggi, avec son beau visage de Christ à la Dürer, les violons baroques de Kinga Ujszaszi et Jorge Jimenez, et l’expressif cornet à bouquin (de l’italien bocca, « bouche ») de Doron Sherwin, instrument à vent dont le docte Marin Mersenne, dans son Harmonie universelle de 1636, comparait la sonorité « à l’éclat d’un rayon de Soleil, qui paroist dans l’ombre ou dans les ténèbres ».
Le concert a commencé avec La Strozza de Maurizio Cazzati, une musique élancée, dont la partie centrale plus lente prépare la reprise du dialogue follet entre violons et cornet à bouquin. C’est à la soprano Céline Scheen, art prosodique et intensité dramatique, qu’est revenu d’ouvrir le bal des pleurs avec le brûlant Che si puo fare, de Barbara Strozzi, lamento amoureux porté par une basse obstinée. Une contention douloureuse qui appellera à libérer les corps dans une tarentelle endiablée venue des Pouilles.
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